Interdiction d'achat d'immeubles résidentiels par des non-Canadiens
Depuis le 1er janvier 2023, il est interdit aux non-Canadiens d’acquérir des immeubles résidentiels au Canada, et ce, pour une période de deux ans1.
La Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens, adoptée par le Parlement fédéral en juin 2022, vise à réduire les fonds étrangers sur le marché résidentiel canadien et à ralentir la spéculation immobilière.
Cette interdiction vise uniquement les immeubles résidentiels et n’aura donc aucun impact sur les activités de courtage commercial.
Déjà, à l’automne 2022, l’OACIQ, en tant que régulateur ainsi qu’à titre de membre des Autorités de réglementation du courtage immobilier du Canada, a entrepris des démarches tant auprès de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) qu’auprès du ministre responsable de l’application de cette Loi afin d’obtenir des clarifications, notamment à l’égard des obligations des titulaires de permis dans le cadre de cette nouvelle réglementation.
La SCHL a publié sur son site Internet des informations à ce sujet ainsi qu’une foire aux questions qui reflètent son positionnement. Nous vous invitons à consulter cet article régulièrement : S'assurer que le marché de l’habitation demeure accessible aux Canadiens.
La Loi en résumé
L’interdiction ne s’applique PAS :
- aux citoyens canadiens;
- aux résidents permanents;
- aux personnes inscrites sous le régime de la Loi sur les Indiens;
- aux résidents temporaires au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui satisfont aux conditions prévues par le Règlement sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens2;
- aux personnes protégées au sens du par. 95(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés;
- aux personnes non-canadiennes et qui font l’achat d’un immeuble résidentiel avec leur époux ou conjoint de fait si ce dernier n’est pas visé par l’interdiction;
- aux sociétés constituées par une loi fédérale ou provinciale, sauf si elles sont contrôlées par des non-Canadiens;
- aux États étrangers qui acquièrent des immeubles résidentiels à des fins diplomatiques ou consulaires;
- aux autres catégories de personnes visées par le Règlement d’application.
Immeubles (ou biens réels) visés par l’interdiction
- une maison individuelle (ou un bâtiment similaire), comprenant au plus trois locaux d’habitation;
- une partie d’un bâtiment qui constitue une maison jumelée ou en rangée;
- un logement en copropriété.
Par ailleurs, les propriétés situées en dehors des agglomérations de recensement et des régions métropolitaines de recensement (notamment des propriétés récréatives comme les chalets d'été et les résidences de vacances) ne sont pas visées par l’interdiction.
Définition de l’achat (acquisition)
La Loi vise essentiellement l’acquisition du droit de propriété à la suite d’une transaction immobilière de l’achat-vente.
Le Règlement d’application vient préciser que l’acquisition du droit de propriété résultant des événements tels qu’un décès, un divorce, une séparation, un don, etc. n’est pas interdite.
Dans un jugement rendu le 31 janvier 2023, la Cour supérieure du Québec confirme que l’interdiction d’achat d’immeubles par des non-Canadiens ne s’applique pas à une vente résultant d’une promesse d’achat conclue par un non-Canadien avant le 1er janvier 20233.
Par conséquent, si une promesse d’achat a été acceptée, qu’elle soit assortie ou non de conditions, avant le 1er janvier 2023, cet « achat » n’est pas visé par la Loi et les parties peuvent donc procéder à la signature de l’acte de vente laquelle pourrait avoir lieu après le 1er janvier 2023.
Obligations des courtiers immobiliers
Devoir d’information
En vertu de son devoir général d’information4, le courtier immobilier doit, à la première occasion et en tout état de cause, informer ses clients et les parties non représentées de l’existence de l’interdiction. Il est fortement recommandé de conserver une preuve écrite indiquant que l’information sur l’existence de la nouvelle Loi a été transmise aux parties.
Devoir de vérification
Les courtiers ont l’obligation de vérifier l’identité et la capacité juridique. Dans l’état actuel de la Loi, les vérifications ne couvrent pas les informations nécessaires pour déterminer l’assujettissement à la Loi. Cependant, en cas d’indice ou de doute quant à savoir si l’acheteur est Canadien ou fait l’objet d’une interdiction en vertu de la Loi, le courtier doit soulever cet élément et le référer à un conseiller juridique.
La SCHL précise, dans son article, qu’il incombe aux acheteurs non-Canadiens eux-mêmes de s’assurer qu’ils sont admissibles à l’achat d’un immeuble résidentiel pendant que la Loi est en vigueur.
On indique également ce qui suit :
La Loi donne aux professionnels du secteur la souplesse nécessaire pour gérer la conformité dans leur situation respective et n’impose pas aux avocats, aux notaires, aux courtiers et agents immobiliers ou à d’autres professionnels d’exigences en matière de collecte et de traitement de renseignements ou de production de rapports connexes.
Il incombe aux professionnels de déterminer les mesures qui pourraient être nécessaires, le cas échéant, afin qu’ils soient en mesure de s’acquitter de leurs responsabilités professionnelles envers leurs clients.
Devoir de référer à un expert
Si les intervenants ou les parties à la transaction ont des questionnements quant au statut de l’acheteur ou aux risques de responsabilité pénale pour le vendeur en cas de transaction interdite, le courtier immobilier devra les référer à un conseiller juridique5.
Les parties peuvent, de plus, quant à elles se référer aux informations communiquées par la SCHL.
Devoir de se retirer en cas de contravention à la Loi
Rappelons par ailleurs qu’un courtier qui conseille, aide, incite, encourage un acheteur à acquérir un immeuble tout en sachant que celui-ci est visé par l’interdiction s’expose à un risque de poursuites pénales et à une amende de 10 000 $. De plus, il pourrait être visé par une plainte disciplinaire pour avoir conseillé ou encouragé une partie à la transaction à poser un acte illégal6. Ainsi, dans les situations où le courtier immobilier sait ou ne peut ignorer que la transaction fait l’objet de l’interdiction, mais la ou les parties souhaitent tout de même procéder, les bonnes pratiques seraient les suivantes :
- Le courtier de l’acheteur qui sait (ou ne peut ignorer) que son client est visé par l’interdiction mais celui-ci souhaite quand même procéder à l’achat, doit résilier le contrat de courtage achat pour un motif sérieux en transmettant un avis écrit à son client.
- Le courtier du vendeur ou le courtier sans contrat qui sait (ou ne peut ignorer) que l’acheteur est visé par l’interdiction, doit en informer les parties. Il doit conseiller au vendeur de refuser toute promesse d’achat venant d’une personne visée par l’interdiction. Si le vendeur souhaite quand même conclure une vente, le courtier du vendeur doit résilier le contrat de courtage vente pour un motif sérieux en transmettant un avis écrit à son client. Le courtier sans contrat doit mettre fin à sa relation d’affaires avec le potentiel acheteur/vendeur et se garder une preuve écrite à cet effet.
1 Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens (L.C. 2022, c. 10, art. 235). Art. 237(2) de la Loi no 1 d’exécution du budget de 2022, L.C. 2022, c. 10.
2 DORS/2022-250, Gazette du Canada, Partie II, vol. 156, no 26, pp. 4776-4789, 21 décembre 2022.
3 9357-4010 Québec inc. c. Yi-Fang Tai, et Procureur général du Canada, Procureur général du Québec, Chambre des notaires du Québec et als., mis en cause, dossier de la Cour N° 500-17-123410-220.
4 Art. 83 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, C-73.2, r. 1 (RCE).
5 Art. 80 RCE
6 Art. 79 RCE