Les thermopompes et la vente d'un immeuble: attention aux courants d'air!

(Mise à jour de l’article paru le 1er mars 1996 et modifié le 15 juillet 2013)

Lors de la signature du contrat de courtage, le courtier peut constater qu'un appareil de chauffage ou de climatisation, par exemple une thermopompe, est installé dans la propriété. Ce type d'appareil fait souvent l'objet d'un contrat de vente à tempérament entre le propriétaire-vendeur et un commerçant. Quelles sont les incidences, pour le courtier, de la vente d'un immeuble auquel est rattachée une thermopompe?

Vente à tempérament

Le contrat de vente à tempérament a pour particularité de prévoir que le commerçant demeure propriétaire du bien vendu jusqu'à parfaite exécution du contrat. Le premier alinéa de l'article 1745 du Code civil du Québec en donne la définition suivante : « La vente à tempérament est une vente à terme par laquelle le vendeur se réserve la propriété du bien jusqu'au paiement total du prix de vente. [...] » Puisque le commerçant demeure propriétaire du bien jusqu'à ce que tous les paiements aient été effectués, la vente de l'immeuble à un tiers, avant la parfaite exécution du contrat, n'a pas pour effet de rendre ce dernier automatiquement propriétaire du bien. Le vendeur demeure toujours responsable des paiements vis-à-vis du commerçant.

De plus, on doit préciser que seul le contrat de vente à tempérament conclu entre un commerçant et un consommateur est soumis aux dispositions de la Loi sur la protection du consommateur1. Dans ce cas, il doit comporter certaines mentions obligatoires. Dans les autres cas, le contrat sera uniquement soumis aux règles du Code civil relatives à ce type de contrat. Si, par exemple, le propriétaire d'un immeuble y exploite une entreprise, il est donc considéré lui-même comme un commerçant et la Loi sur la protection du consommateur ne s'applique pas au contrat de vente à tempérament signé avec un autre commerçant.

Par ailleurs, il est fort probable que le contrat comporte une clause selon laquelle le consommateur ne peut vendre, louer ou céder le bien ni s'en déposséder, sans le consentement écrit du commerçant. L'article 1747 du Code civil du Québec prévoit la conséquence d'un tel manquement : « Le solde dû par l'acheteur devient exigible lorsque le bien est vendu sous l'autorité de la justice ou que l'acheteur, sans le consentement du vendeur, cède à un tiers le droit qu'il a sur le bien. » Il faudra donc que le vendeur obtienne le consentement écrit du commerçant afin de pouvoir céder à l'acheteur le bien en question, le cas échéant.

Le consommateur devrait d'abord, avec l'aide de son courtier immobilier, examiner le contrat de vente à tempérament, ou communiquer avec le commerçant pour s'assurer de la possibilité de faire assumer ses obligations par un tiers. Dans l'éventualité où le consommateur céderait le bien à un acheteur sans obtenir le consentement écrit du commerçant, ce dernier pourrait alors invoquer le défaut du consommateur de remplir ses obligations pour exiger le solde dû sur le prix de vente.

Après avoir fait les vérifications nécessaires auprès du commerçant et s'être informé auprès du vendeur de son intention de céder ou non la thermopompe à l'acheteur, le courtier immobilier devra, selon le cas, soit exclure la thermopompe de la vente (le vendeur devra alors agir conformément à ce qui est prévu au contrat de vente à tempérament et respecter ses modalités), soit l'inclure et prévoir un engagement par l'acheteur d'assumer les obligations du vendeur.

Cette prise en charge des obligations par l’acheteur devrait être inscrite à la clause 4.7 du contrat de courtage ainsi qu’à la clause 11.8 de la promesse d’achat. Il faudra également prévoir, dans l'acte de vente, une clause de prise en charge des obligations du vendeur par l'acheteur à cet égard.

Engagement de l'acheteur

Prenons l'exemple d'une décision de la Cour supérieure pour constater les conséquences du défaut d'avoir obtenu l'engagement de l'acheteur d'assumer les obligations du vendeur. Dans l'affaire Gaz Métropolitain inc. c. 99861 Canada inc. et al.2, Gaz métropolitain signa un contrat avec la compagnie défenderesse pour l'installation de quatre chaudières et l'approvisionnement en gaz pour une période de cinq ans. En 1991, la compagnie défenderesse vendit l'immeuble à un tiers et cessa de faire les paiements. La compagnie défenderesse fut poursuivie pour le solde dû sur le contrat d'installation et prétendit que l'acheteur avait assumé le contrat.

La Cour conclut que le contrat de vente de l'immeuble ne contenait aucune clause prévoyant la prise en charge par l'acheteur du contrat d'installation, alors qu'une clause semblable était prévue dans le contrat de bail d'un appareil. De même, l'acte de vente ne faisait nullement mention du contrat d'installation intervenu entre la demanderesse et la défenderesse, ou encore du solde impayé. Par contre, le contrat d'installation prévoyait que si le locataire cédait la propriété des lieux sans avoir obtenu le consentement écrit de l'acheteur d'assumer le contrat, il deviendrait en défaut. Puisque la compagnie défenderesse n'a pas obtenu le consentement écrit de l'acheteur relativement à la prise en charge du contrat, l'action en recouvrement du solde du contrat a été accueillie.

Si l'acheteur ne désire pas prendre en charge les paiements de la thermopompe et qu'il refuse d'assumer les obligations du consommateur, l'appareil devra être détaché de l'immeuble, et le vendeur demeurera alors responsable des paiements vis-à-vis du commerçant. L'article 1748 du Code civil du Québec nous indique d'ailleurs ce qu'il advient si le consommateur fait défaut de payer le prix de vente selon les modalités prévues au contrat. Le commerçant peut soit exiger le paiement immédiat des versements échus, soit reprendre possession du bien, ou encore se prévaloir de la clause de déchéance du terme, si le contrat en contient une, pour exiger le paiement du solde du prix de vente. Afin d'assurer la protection des deux parties à la transaction, il est recommandé aux courtiers de suivre cette démarche :

  • examiner l'entente liant le consommateur au commerçant afin de déterminer si le bien peut être cédé;
  • suggérer au client-vendeur d'obtenir le consentement écrit du commerçant le plus rapidement possible;
  • consigner par écrit les obligations de chaque partie sur le contrat de courtage et la promesse d'achat;
  • demander au notaire d'inclure dans l'acte de vente une clause de prise en charge des obligations du vendeur par l'acheteur à l'égard du bien faisant l'objet du contrat de vente à tempérament (comme convenu préalablement dans la promesse d’achat, à la clause 11.8).

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1 L.R.Q., c. P-40.1.
2 BDI-95-119 (C.S.).

Dernière mise à jour : 16 octobre 2015
Numéro d'article : 123341