Transactions en chaîne… bien prévoir le délai de signature de l’acte de vente

Lors de la signature de l’acte de vente chez le notaire, une des préoccupations du vendeur est certainement d’obtenir son argent le plus rapidement possible ou encore de procéder à une signature rapide. Rappelons qu’avant de distribuer les fonds, le notaire a toujours l’obligation de publier les actes et d’effectuer plusieurs vérifications au registre foncier, en plus d’obtenir du créancier un engagement à radier les charges existantes (par exemple l’hypothèque du vendeur).

Avant de pouvoir disposer des sommes qu’il reçoit, le notaire doit prendre en compte les délais occasionnés par le système de compensation des effets bancaires au Canada. Il est important que tous les courtiers immobiliers connaissent ces règles afin de bien conseiller les parties lorsque vient le temps de déterminer la date de signature de l’acte de vente, ceci en tenant compte des délais reliés à la compensation. La détermination de cette date est d’autant plus importante lorsqu’il y a une chaîne de transactions.

Incidence des délais de compensation sur les transactions en chaîne

Voici un exemple qui permet de bien saisir la problématique.

Transaction A - Une promesse d’achat est signée entre un vendeur (Monsieur B) et un acheteur (Madame C). La signature de l’acte de vente est prévue pour le 1er juin devant le notaire D.

Transaction K - Monsieur L, vendeur, accepte une promesse d’achat faite par Monsieur B qui agit cette fois à titre d’acheteur. Les fonds provenant de la transaction A serviront à l’achat de Monsieur B. La signature de l’acte de vente est prévue pour le 3 juin devant le notaire L.

Le délai prévu entre la signature des deux actes de vente est beaucoup trop court. Voici pourquoi. Dans une situation idéale, les fonds provenant de la transaction A seront disponibles après publication, soit dans un délai de 24 à 48 heures de la signature de l’acte de vente. Au mieux, Monsieur B ne recevra donc que le 2 ou le 3 juin la totalité de la somme qui lui revient suite à la vente de sa propriété. Au pire, si le notaire n’a pu obtenir du créancier hypothécaire l’engagement à donner quittance sur réception des sommes dues, le délai pourrait aller jusqu’à plus de 30 jours. Voir à ce sujet l’article Pourquoi le relevé hypothécaire? Les règles entourant la radiation d'une hypothèque.

Pour procéder à la transaction K, le notaire L devra déposer et conserver dans son compte en fidéicommis le chèque reçu de Monsieur B (ou du notaire D). Étant donné que le chèque tiré du compte en fidéicommis d’un notaire est soumis aux mêmes règles de compensation qu’un autre chèque, la signature de l’acte de vente de la transaction B ne pourra se faire avant un délai minimal de 72 heures à 10 jours excluant les samedis, dimanches et jours fériés. On constatera aisément que la date du 3 juin prévue initialement dans la transaction K pour la signature de l’acte de vente ne peut pas être respectée.

La nature des sommes versées et les délais de compensation

L’argent nécessaire à l’achat de l’immeuble provient le plus souvent :

  • du prêteur hypothécaire; et
  • de l’acheteur lui-même, pour la mise de fonds.

Cet argent peut être versé au notaire sous différentes formes :

  • transfert de fonds électronique;
  • virement électronique de fonds,
  • traite bancaire;
  • chèque visé ou régulier.

Or, les délais de compensation des effets bancaires diffèrent d’une forme à l’autre.

Transfert électronique de fonds

La situation la plus simple et la plus rapide pour les parties est lorsque le notaire reçoit l’ensemble des fonds requis pour la transaction par transfert électronique, tant pour la portion qui vient du prêteur hypothécaire que pour la mise de fonds de l’acheteur, et ce, par l’entremise de l’institution financière de celui-ci. En effet, dans cette situation, les fonds reçus par transfert électronique peuvent être remis par le notaire le jour même. Il peut en disposer immédiatement, c’est-à-dire dès qu’il constate le dépôt dans son compte en fidéicommis.

Virement électronique de fonds

Contrairement au transfert électronique, le virement électronique de fonds est soumis aux règles de la compensation bancaire dont le délai varie entre un et deux jours ouvrables. Il faudra donc s’attendre à ce que le notaire demande à recevoir le virement électronique des fonds trois jours ouvrables avant la signature de l’acte de vente.

Traite bancaire

Souvent, pour la transaction qu’il instrumente, le notaire reçoit les fonds requis par traite bancaire, soit pour la portion qui vient du prêteur hypothécaire ou la mise de fonds de l’acheteur. Les traites bancaires devront être demandées et déposées dans le compte en fidéicommis des notaires au moins 24 à 72 heures ouvrables avant la transaction. Ce n’est qu’après ce délai que le notaire pourra en disposer. Il aura évidemment vérifié auprès de l’institution financière s’il y avait un retour de traite dans ce délai. À noter que dans le cas où l’institution qui reçoit le dépôt décidait d’effectuer une retenue de fonds dans le compte en fidéicommis du notaire, le délai de 24 à 72 heures pourrait être de l’ordre de 7 à 10 jours ouvrables.

Chèque visé

La situation générant le plus de délais est celle où le notaire reçoit les fonds requis pour la transaction qu’il instrumente, par chèque visé, que ce soit pour la portion qui vient du créancier ou pour la mise de fonds.

Les chèques visés doivent être demandés et déposés au compte en fidéicommis du notaire, de 72 heures à 10 jours ouvrables avant la transaction et ce n’est seulement qu’après ce délai que le notaire pourra en disposer. Ce délai variable s’explique par les diverses étapes requises entre les différentes banques des parties impliquées. Dans le délai de 72 heures, le notaire sera avisé si le chèque ne peut être compensé, mais les raisons et le retour de l’effet peuvent prendre jusqu’à 10 jours. Le notaire devra prendre soin de valider les transactions à son compte en fidéicommis et de s’assurer que les fonds sont disponibles avant d’effectuer sa transaction.

Bien qu’une certification de chèque permette un gel des sommes au compte de celui qui a fait le chèque, ce gel n’est pas final. Si le signataire du chèque décède ou si son compte fait l’objet d’une retenue à la suite d’une saisie, d’une faillite, une pension alimentaire impayée, ou tout simplement parce que le signataire effectue un arrêt de paiement sur ledit chèque visé, ce dernier ne sera pas compensé et en conséquence, un avis sera transmis au bénéficiaire lui indiquant les raisons de la non-libération des fonds. On comprend, de ce dernier exemple, qu’un chèque visé ne garantit pas totalement la présence des fonds, à l’inverse de la traite bancaire ou du virement électronique, d’où le délai beaucoup plus long de compensation et le délai de signature qui devra, par conséquent, en être reporté d’autant.

Une attention particulière doit être portée au cas où l’acheteur déposerait les sommes servant à couvrir les chèques au guichet automatique ou par un dépôt de nuit. Les délais peuvent alors s’allonger. Dans les rares cas où un chèque régulier est soumis, le délai minimum de compensation est de 10 jours.

Fonds en provenance de l’étranger

Des procédures particulières s’appliquent pour une transaction qui implique des fonds en provenance de l’étranger. Par exemple, les délais actuels de compensation sont d’au moins 30 jours pour tout effet papier international. Le titulaire de permis impliqué dans une telle transaction devrait toujours aviser le notaire instrumentant afin de déterminer la date possible de la signature de l’acte de vente.

En conclusion, compte tenu des délais de compensation, la façon la plus rapide pour le notaire de pouvoir libérer les fonds est évidemment par transfert de fonds électronique. L’acte de vente pourra être signé beaucoup plus rapidement et le vendeur aura ses fonds presque instantanément, au grand bonheur de toutes les parties en jeu.

En bref, quel délai prévoir pour la signature de l’acte de vente?

Lorsque deux ou plusieurs transactions immobilières sont interreliées, il est important que le courtier immobilier s’assure de prévoir un délai raisonnable entre les dates de signature de l’acte de vente des diverses transactions. Ce délai minimal, de l’avis de la Chambre des notaires du Québec, pourrait être de 10 jours ouvrables compte tenu des délais occasionnés par le système de compensation des effets bancaires au Canada. Selon les circonstances, le courtier devra bien sûr ajuster ce délai à la hausse si les circonstances l’exigent.

Dernière mise à jour : 19 juin 2020
Numéro d'article : 120890