Vente d’érablières : l’importance des clauses décrivant les biens vendus
Les transactions commerciales portant sur des immeubles servant à la culture et à l'exploitation d'une érablière à des fins acéricoles sont particulières. C’est le cas puisque la valeur de l’entreprise peut être liée à la capacité de production de sirop d’érable ainsi qu’à la composition du matériel nécessaire à celle-ci.
Or, en l’absence de clause venant spécifier la capacité acéricole d’une érablière (nombre d’érables, nombre d’entailles, quotas, etc.) ou d’une liste exhaustive des actifs, l’acheteur risque de faire appel aux tribunaux afin de demander une réduction du prix de vente s’il réalise que le produit de la transaction ne satisfait pas ses attentes. Cela a d’ailleurs été constaté dans deux décisions récentes de la Cour supérieure, telles que décrites plus bas.
La capacité de production
Dans la cause 1506-5709 Québec inc. c. Produits forestiers Sophie et Martin Beauchesne, la vendeuse avait simplement mentionné verbalement que l’érablière comptait environ 13 000 entailles avant la signature de la promesse d’achat. Ni les documents échangés entre les parties avant la vente ni l’acte de vente ne comportaient de mention quant au nombre d’entailles. La seule précision indiquée dans la promesse d’achat était la superficie d’environ 360 acres, non reprise dans l’acte de vente notarié. Cela laissait présumer qu’il ne s’agissait donc pas d’une condition essentielle à la réalisation de la transaction.
Les parties avaient plutôt mis l’accent sur le contingent, dont le prix avait été établi à 100 000 $ dans l’acte de vente. Le Certificat de contingent remis à l’acheteuse faisait référence à 10 500 entailles recensées par la Fédération des producteurs acéricoles du Québec l’année précédente et à 12 825 entailles selon le producteur. Le rapport d’évaluation immobilière transmis référait quant à lui à 12 000 entailles. Contrairement à la distinction faite au Règlement sur le contingentement des producteurs et productrices acéricoles, ces documents ne précisaient cependant pas si les entailles recensées étaient « potentielles » ou « installées »1.
La Cour souligne que le président de l’acheteuse était un producteur acéricole d’expérience qui devait savoir que les documents émanant de la Fédération pouvaient contenir des informations inexactes quant au nombre d’entailles. En effet, l’information concernant le nombre d’entailles provient d’un recensement inexact estimé à partir d’un échantillon sur une aire limitée, et non en faisant un dénombrement complet des érables sur tout le terrain.
Ainsi, l’acheteuse aurait dû s’entendre par écrit avec la vendeuse pour avoir la garantie qu’il y avait 13 000 entailles installées et demander un décompte avant de faire la vente ou, à tout le moins, prévoir une clause à ce sujet dans la promesse d’achat et l’acte de vente.
Considérant qu’il n’y avait aucune mention au sujet du nombre d’entailles dans les documents transactionnels, le Tribunal a conclu que le nombre d’entailles n’était pas une condition essentielle de la vente. L’acheteuse, n’ayant pas démontré que le quota acéricole qui lui a été transféré n’était pas celui auquel elle devait s’attendre, son recours pour réduire le prix de vente a donc été rejeté.
La liste des actifs de l’entreprise
Dans la cause Vallée c. Produits de l'Érable Savoureux inc., l’acheteuse se défendait de devoir verser la balance du prix de vente dû pour le transfert des actions de la société exploitant une érablière, car elle reprochait à la vendeuse de ne pas avoir livré tous les biens vendus dans la transaction.
Une soumission initiale proposait d’acheter l’érablière pour 1 250 000 $. Il n’y avait cependant aucune mention comme quoi l’offre serait conditionnelle à l’obtention d’une liste détaillée des immobilisations. La promesse d’achat et la convention de vente d’actions ne prévoyaient pas non plus de telles réserves. En revanche, cette dernière prévoyait spécifiquement que les immobilisations vendues étaient constituées d’équipements acéricoles ainsi que tout le matériel roulant. D’ailleurs, les parties déclaraient bien savoir de quels équipements il s’agissait et une liste non limitative a été fournie avant la signature de l’acte de vente. Cette liste, les registres d’immobilisations et de placements ainsi que les factures qui supportent ces registres ont tous été fournis à l’acheteuse, qui n’a soulevé aucun tracas avant la signature de la convention.
Le Tribunal a donc conclu que l’obtention d’une liste plus détaillée des immobilisations ou représentative des actifs vendus n’était pas une condition pouvant faire avorter la conclusion de la vente ou encore mener à une diminution de prix. Les documents signés et approuvés entre les parties, d’une part et d’autres, n’incluaient pas une telle condition.
Compte tenu de leur expérience, les acheteurs auraient pu facilement soulever de telles réserves avant de conclure la transaction plutôt que d’attendre au moment de verser le solde du prix de vente.
Pour la Cour, les vieux matériaux et équipements qui n’ont pas été inclus dans la liste des immobilisations, d’une valeur approximative de 50 000 $, ne pouvaient pas être considérés comme essentiels dans le cadre d’une transaction totalisant 1 250 000 $. Cette décision justifie qu’il n’en résulte pas un préjudice sérieux pour l’acheteuse.
Rappel
Que la valeur marchande de l’entreprise à vendre soit composée principalement de la valeur des immeubles ou non, le titulaire de permis doit compléter les documents relatifs à la transaction par l’ajout de clauses portant sur les termes et conditions spécifiques à l’entreprise, dont notamment la description sommaire de celle-ci et les détails des items compris dans le prix de vente.
1Art. 9.15.31