Qu'est-ce que l'obligation d'éviter de se placer en situation de conflit d'intérêts?
Le comité de discipline de l’OACIQ vient récemment de rappeler, dans la décision Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Tardif, 2022 CanLII 101739 (QC OACIQ), le fondement de l’obligation déontologique des courtiers immobiliers d’éviter de se placer en situation de conflit d’intérêts (art. 2 RCE1). Cette règle doit ainsi se comprendre comme l’obligation de promouvoir et de protéger les intérêts des clients. En d’autres mots, les intérêts du client doivent en tout temps et en toute circonstance passer avant ceux du courtier immobilier.
Dans ce dossier, l’intimé a fait signer au vendeur de façon concomitante un contrat de courtage pour une copropriété en indivision ainsi que sa propre promesse d’achat pour acquérir cet immeuble en indivision. Ce faisant, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts au sens de l’art. 2 RCE, puisqu’il n’est plus en mesure de conseiller adéquatement son client.
Ainsi, lorsqu’un courtier signe un contrat de courtage avec un client, il doit en tout temps mettre de l’avant les intérêts de son client. Il doit recueillir les informations et documents pertinents, le conseiller et le guider dans son processus de vente et d’achat. Pour ce faire, il obtient des renseignements privilégiés et confidentiels sur la situation financière et personnelle de son client.
Le courtier immobilier ne peut donc pas acquérir sa propre inscription puisqu’il détient ces informations privilégiées et confidentielles. Il ne peut plus non plus conseiller adéquatement son client puisque les intérêts de ce dernier sont en conflit avec ses propres intérêts; le vendeur voulant obtenir le prix maximum et les meilleures conditions de vente, tandis que l’acheteur voulant obtenir le plus bas prix possible en mettant des conditions qui lui sont favorables.
Dans cette affaire, le comité de discipline rappelle également que l’obligation d’éviter de se placer en situation de conflit d’intérêts implique que le courtier immobilier doive activement prendre des mesures pour ne pas se placer en conflit d’intérêts. Il s’agit donc d’une obligation positive. Aussi, le simple fait de dévoiler son statut de courtier immobilier ou d’obtenir le consentement de son client n’est pas suffisant en regard de cette obligation déontologique. Les intérêts du client doivent primer sur tous les autres.
Finalement, le comité de discipline explique que l’exercice simultané d’une activité autre que celle du courtage, comme celle de se bâtir un parc immobilier, est de nature à compromettre l’intégrité et l’indépendance du courtier immobilier. En effet, lorsque le courtier se présente comme courtier immobilier auprès d’un client potentiel, agit-il au bénéfice de ce client en lui proposant ses services ou dans pour son propre bénéfice d’investisseur?
En l’espèce, l’intimé offrait une garantie de vente à ses clients qui lui permettait d’acquérir, à son avantage, des propriétés de ses clients, afin de garnir son parc immobilier. Le comité conclut que ce modèle d’affaires est un exemple flagrant et délibéré de conflit d’intérêts, en contravention des obligations déontologiques. En agissant ainsi, le courtier immobilier n’est pas en mesure ni de préserver son indépendance professionnelle ni de conseiller le client dans le meilleur des intérêts de ce dernier, et non dans ses propres intérêts.
L’audience sur sanction permettra au comité de discipline de déterminer les sanctions appropriées. Rappelons que les sanctions peuvent aller de la réprimande, de l’amende, de la suspension jusqu’à la révocation du permis de courtage immobilier. Des conditions restrictives d’exercice de la profession peuvent également être imposées.
Dans le cadre de leurs transactions immobilières, les courtiers ont pour priorité de défendre les intérêts de leurs clients tout en agissant avec loyauté. Rappel : le fait d’offrir des « garanties de performance » telles que des rabais de rétribution ou encore des « garanties de vente », présente aussi une apparence de conflit d’intérêts, ce qui est interdit. Pour en savoir plus, consultez la section Garanties de performance et de vente de la Ligne directrice – Représentation, sollicitation, promotion et publicité.